Smashé ? Flottant ? À la cuillère ? Les options pour servir ne manquent pas au volley. Cette diversité témoigne d’un long chemin parcouru depuis les balbutiements de ce sport jusqu’à son ère contemporaine qui est la nôtre. Comme de nombreux sports, le volley-ball trouve ses origines sur les terres américaines. William G. Morgan est étudiant à l’Université de Springfield, dans le Massachusetts lorsqu’il fait la rencontre de James Naismith, le futur inventeur du basket-ball. Diplôme en poche, les deux amis poursuivent tous deux leurs carrières en tant qu’éducateurs physiques au sein de l’Union chrétienne des jeunes gens, la prestigieuse YMCA (Young Men’s Christian Association).
C’est en février 1895 que William G. Morgan imagine, en s’inspirant de l’invention de son ami, un nouveau sport d’abord nommé « Mintonette » avant d’être rebaptisé volley ball par le professeur Alfred Halstead, qui remarque le caractère « aérien » de ce sport. La promesse est de découvrir une pratique moins intense et exigeante que le basket, afin d’être plus accessible au grand public, quel que soit l’âge et les capacités physiques.
De l’engagement au service
À ses débuts, les premiers joueurs de volley-ball n’accordent que peu d’importance au service, cette première touche de balle est employée comme simple engagement. Ainsi, les règles vont dans le sens d’un jeu en continuité, deux tentatives sont accordées pour réussir le service, comme au tennis. De plus, si un coéquipier dévie la trajectoire de la balle pour « l’aider » à passer le filet, le point est valable. Par ailleurs, le serveur a l’obligation de garder un pied sur la ligne de fond et sa position est fixe, il doit servir depuis le poste 1, sans se déplacer. On observe donc une uniformisation des services, sans prise de risque qui vont dans le sens d’un jeu fluide et accessible.
Il faut attendre 1952 pour commencer à voir des services différents, il est désormais autorisé de servir depuis n’importe où derrière la ligne de fond, ce qui rend les options de service plus importantes, et ouvre la voie aux premiers services « sautés ». Les nombreuses modifications et évolutions des règles comme l’augmentation de la hauteur du filet ou l’instauration des rotations rendent le volley-ball plus exigeant et plus spectaculaire jusqu’à son introduction aux Jeux olympiques de Tokyo de 1964. Ces compétitions internationales renforcent le caractère compétitif du volley, les joueurs cherchent logiquement à gagner par tous les moyens, et le service devient peu à peu une solution.
La « Première attaque »
La puissance des services augmente, et inévitablement les échecs aussi, les joueurs cherchent des angles et zones au service afin de mettre à mal la réception adverse. Le service devient une phase de jeu à part entière, d’autant plus après 1984, où le bloc dès le service est interdit, offrant encore plus de liberté aux serveurs. On commence alors à parler de « première attaque » pour caractériser le service, puisque pour la première fois, le joueur qui sert fait face à l’adversaire seul, et à l’opportunité de marquer un point sans block.
En 2001, le service « let » (le ballon accroche la bande haute du filet avant de passer chez l’adversaire) n’est plus considéré comme une faute, ce qui autorise alors les serveurs à prendre toujours plus de risques.
Stratégie et libération du service
Les joueurs et entraîneurs ont alors très vite compris l’importance de s’emparer de la question du service, celui-ci fait l’objet de nombreuses analyses tactiques, au point de devenir une stratégie primordiale lors des matchs de haut niveau. Placement de la défense, joueur cible, méthode de service, routine, tout est scruté afin d’obtenir le plus d’efficacité possible dans cet exercice. L’apparition de changement pour faire rentrer un joueur exclusivement au service, à des moments clés du match démontre le poids que représente le service au sein du volley-ball contemporain.
Certains coachs construisent tout leur plan de jeu autour du service, à l’image d’Andrea Gianni, le sélectionneur de l’équipe de France masculine. L’Italien prône la « carte blanche » pour ses joueurs, qui sont autorisés à prendre tous les risques au service, quitte à les manquer. Avec des grands serveurs comme Antoine Brizard, Ervin Ngapeth ou encore Jean Patry, cette posture peut être très efficace, le back-to-back aux Jeux Olympiques de Tokyo puis de Paris n’est pas étranger à cette stratégie. Néanmoins, dans un mauvais jour, cette politique de service peut être contre-productive, l’élimination de la France en phase de poules des championnats du Monde témoigne d’un rapport risque-récompense plus que flou.
D’abord simple manière d’engager le jeu, le service a évolué en même temps que son sport pour devenir une arme presque équivalente à l’attaque en elle-même. Au fil des années, les innovations et règles ont débridé le service jusqu’à ce qu’il occupe une place centrale dans les stratégies de matchs. Pour autant, comment le service va-t-il pouvoir encore évoluer ? La prise de risque totale est-elle forcément gage d’efficacité ? Le service smashé est fantasmé par tous les observateurs du fait de son impressionnante puissance, mais un flottant bien placé n’est-il pas autant voire plus dangereux ? Concernant cette question, des visions s’affrontent, entre liberté et frilosité, la réponse est loin d’être trouvée.